Entrevue avec le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
FO ESR a été reçu par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, le 6 novembre 2025. La délégation FO ESR était composée de Sylvain Excoffon, Devan Sohier, Manuel Vincenot, membres du secrétariat national.
Compte tenu du faible temps imparti, la délégation a concentré ses interventions sur quelques points importants, en dehors du point sur le budget que souhaitait aborder le Ministre.
Budget : un recul sans fard
* Le Ministre souhaitait en premier lieu aborder la question du budget. Pour lui le PLF (projet de loi de finances) a vocation à être amendé. Selon lui le budget de la MIRES (mission interministérielle de la recherche et de l’enseignement supérieur, dans laquelle sont inclus les programmes budgétaires relevant du ministère de l’enseignement supérieur) est en augmentation. Le MESR serait un des rares ministères dans cette situation. Cependant il doit reconnaître que :
- la trajectoire de la LPR ne pourra être respectée. Si des mesures de revalorisation pour les doctorants et les jeunes chercheurs sont maintenues, des mesures pour les milieux de carrière ne le seront pas ;
- des mesures obligatoires ne sont pas totalement compensées, le CAS pensions (+ 4 points) ou pas du tout compensées : la PSC notamment (selon le ministère, 60 M. €, dont 50 à la charge des universités).
* Pour FO ESR, le fait même d’espérer que le débat parlementaire améliore le budget est un aveu que celui-ci n’est pas suffisant.
* FO ESR a souligné :
- que les augmentations budgétaires étaient bien plus importantes pour le ministère des armées ;
- que le budget compensait à peine l’inflation, qu’il était donc en recul avec les dépenses obligatoires non compensées.
PSC
* FO ESR a rappelé au ministre que nous n’avions pas signé l’accord « PSC » dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur et la recherche, précisément pour les raisons qui déclenchent aujourd’hui la colère des collègues : en tout premier lieu l’obligation d’adhésion, mais aussi les coûts en hausse pour la grande majorité. La disparition du principe de solidarité actifs/retraités et le fait que la contribution employeur soit à prendre sur le budget des universités heurtent aussi les collègues. FO ESR a demandé la suspension de la procédure d’affiliation.
* Le Ministre n’entend pas suspendre les affiliations, les présidences d’universités ont été consultées avant la signature du contrat PSC par le ministère. Il espère que le budget sera amélioré et que le coût employeur de la PSC sera au moins en partie compensé aux universités !
Autonomie des universités : les effets négatifs constatés « ne sont pas ce qui était recherché »
* La discussion ayant dérivé vers l’autonomie des universités, FO ESR a rappelé que nous y étions opposés et que nous en demandions toujours l’abrogation. Un des effets les plus évidents de l’autonomie c’est l’accroissement des charges sur les universités, donc la dégradation des conditions de travail et tout simplement la dégradation de l’emploi dont témoigne la hausse constante du nombre de contractuels (dans plusieurs universités, le nombre de contractuels dépasse d’ores et déjà celui des titulaires).
* Sans vouloir reconnaître la dégradation généralisée, le Ministre a reconnu qu’en effet il y avait eu une augmentation du nombre de contractuels et que ce n’était pas satisfaisant. Selon lui, « ce n’est pas qui était recherché » avec l’autonomie, même si, comme nous, il ne peut que constater que c’est ce qui est advenu.
CROUS
« Réseau des CROUS » : pas de projet de fusion
* FO ESR : un rapport sénatorial a préconisé la fusion des CROUS dans le CNOUS. Nous sommes absolument opposés à cette fusion qui ne pourrait entraîner que des mutualisations, une dégradation des conditions de travail, une dégradation de la représentation des personnels.
* Réponses du Ministre :
- « Il n’y a pas de projet de fusion CNOUS/CROUS . « Pour nous, vu de loin, ça nous semble être une bêtise ». Au niveau régional, ce qu’il faudrait c’est une meilleure articulation entre tous les acteurs de la vie étudiante.
* FO ESR se félicite de cette réponse très claire sur la fusion.
Plafond d’emplois.
* FO ESR : la présidente du CNOUS a annoncé que le plafond d’emplois 2026 n’évoluera pas. Or il y a une explosion de la restauration. De plus environ 15 000 nouveaux logements étudiants devraient être gérés par le réseau dans les prochaines années. Or les CROUS sont déjà saturés au niveau du dispositif d’emplois. Un des leviers pour le déblocage de cette situation pourrait être la mise hors plafond de certains emplois.
* Le Ministre : la saturation des CROUS en restauration est en effet un gros problème, en partie dû au repas à 1 €. une réflexion va en être engagée sur ce qu’on intègre au plafond d’emplois et les organisations syndicales seront consultées.
* FO ESR a rappelé que si la restauration pour les étudiants concentrait à juste titre l’attention, il ne fallait pas oublier :
- la restauration pour les personnels, que beaucoup de CROUS assurent ou assuraient. Or dans beaucoup de CROUS les salles pour les personnels ont disparu, ce n’est pas acceptable ;
- l'hébergement. A été citée à titre d’exemple la situation du CROUS de Normandie, où il y a un projet de mutualisation des veilleurs de nuit alors même qu’il y a eu un un incendie dans une résidence qui aurait eu des conséquences tragiques en l’absence de veilleur.
Carrière des PO
* FO ESR : à la suite de la « fonctionnarisation », avec laquelle FO ESR était en opposition, les personnels ouvriers (PO) des CROUS ont été les grands oubliés, alors qu’ils représentent encore presque un tiers des effectifs. À titre d’exemple, pour des fonctions strictement identiques, la même progression indiciaire pendant une carrière peut prendre 31 ans pour un PO alors qu’elle n’en prend que 17 pour un ITRF. FO ESR demande l’alignement des grilles indiciaires et des durées d’échelons des PO sur celles des IRF.
* Le Ministre n’a donné aucune garantie mais n’est pas hostile à ce qu’une réflexion soit ouverte.
-> FO ESR continuera à demander cet alignement à tous les niveaux.
Contractuels
* FO ESR : dans les CROUS comme dans les universités, le nombre de contractuel régis par le décret 86-83 ne cesse d’augmenter. Or rien n’est véritablement prévu en terme d’avancement et l’on est très loin des grilles des autres personnels (même celles des PO dans les CROUS). Dans les universités de plus la situation est très diverse. Il y a donc des inégalités fondamentales de rémunération, à la fois entre les personnels contractuels et les titulaires, entre les contractuels eux-mêmes.
* Le Ministre a pris bonne note.
Droits d’inscription des étudiants : large déréglementation et forte augmentation au moins pour les formations d’ingénieurs
* FO ESR : les droits d’inscription sont fixés nationalement pour la préparation des diplômes nationaux (licence, master, doctorat) ainsi que pour les formations préparant au titre d’ingénieur. Or beaucoup d’écoles d’ingénieurs ou assimilées, avec les budgets contraints que l’on connaît, se dirigent vers une augmentation ou « modulation » des droits d’inscription, et dans la foulée des universités commencent aussi à discuter de ceci. Quelle est votre position à ce sujet ?
* Le Ministre : il n’entend pas toucher aux droits réglementés nationalement pour la licence, le master et le doctorat mais pour lui, l’arrêté qui fixe les droits d’inscription pour les formations d’ingénieur « n’est pas légal ». Pour avancer ceci, il invoque notamment l’arrêt du conseil d’État en date de 2020 et fait aussi un rapprochement avec les DU ou autres diplômes d’établissement. Il précise aussi que le conseil d’État a souligné la nécessité de la « modicité » des droits d’inscription.
* Pour FO ESR, c’est inacceptable. Les contenus des formations menant au titre d’ingénieur sont définis nationalement (CTI et CDEFI y travaillent), ce ne sont pas des diplômes d’établissement. Il n’y a aucune raison que les droits fixés nationalement ne soient pas respectés. Quant à la « modicité » des droits ou frais d’inscription, come il n’existe aucune définition objective de la « modicité », c’est la porte ouverte à des augmentations insensées.
FO ESR a aussi rappelé sa totale opposition à l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers hors UE, qui, comme celle annoncée pour les écoles d’ingénieurs, est en fait un banc d’essai pour l’augmentation pour tous (voir ici notre communiqué à ce sujet).
Formation des enseignants et concours d’enseignement
* FO ESR relève, entre beaucoup d’autres problèmes relatifs à cette réforme que nous combattons et dont nous demandons le moratoire, celui des étudiants de 3e année de licence qui échoueraient au concours (PE comme CAPES) et qui à ce stade n’auraient aucune possibilité de continuer dans un master en lien avec ce qu’ils souhaitent faire comme métier. Les universités n’ont en effet pas d’heures pour mettre ces parcours de master.
* Pour le Ministre, en substance, il revient aux universités de faire avec le budget qui leur est alloué.
Fusion IPEV/IFREMER
* FO ESR a rappelé la totale opposition des personnels de l’IPEV à cette fusion et a souligné qu’aucune information n’était faite aux personnels et à leurs représentants à propos des réflexions en cours, des rapports rédigés (par exemple le rapport du « comité de pilotage » d’octobre 2025).
* Le Ministre pense qu’il y a une communauté de missions entre IPEV et IFREMER et que l’IPEV est en difficulté financière. Sur l’information aux personnels, le conseiller du ministre présent à l’entretien est étonné qu’elle ne soit pas faire et va se renseigner.
* FO ESR se félicite que l’information due aux personnels soit prévue. Sur l’apparente identité de missions entre IFEMER et IPEV, tout a déjà été dit : les deux instituts (qui ne sont pas de même statut) n’ont pas les mêmes missions, l’IPEV est en rapport avec de nombreux acteurs scientifiques, bien au-delà du seul IFREMER. Concernant les « difficultés » de l’IPEV, il faut constater que l’IFREMER est également déficitaire, on ne voit donc pas bien en quoi rapprocher deux ensembles déficitaires pourrait avoir un quelconque effet positif.
Défense d’un personnel suspendu dans des conditions indignes
* FO ESR a fait part d’une situation individuelle inacceptable, avec la suspension d’un personnel par une présidence d’université, suspension qui s’est faite dans des conditions inacceptables : utilisation d’une convocation à un entretien professionnel annuel pour la remise de l’arrêté de suspension, présence de trois directeurs de service accompagnés d’un huissier de justice pour saisir toutes les affaires du collègue et prendre les clés de son bureau. Les motifs qui ont déclenché cette suspension semblent de plus très douteux.
* Le conseiller ministériel présent a pris bonne note.
Conclusion : une dégradation sans précédent
Le Ministre lui-même tient un discours qui ne se veut que moyennement rassurant, ce qui est très inquiétant pour le sort de tous les personnels. Il est également contraint de reconnaître que le budget n’est pas satisfaisant et ne prend pas ses responsabilités, se défaussant sur des amendements parlementaires qui en adouciraient un peu la brutalité… Le budget de guerre de ce gouvernement entraîne en effet une dégradation sans précédent pour les personnels comme pour les étudiants. FO ESR continuera le combat avec les personnels et dans l’unité avec les étudiants, en défense de toutes les revendications.



