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Dans le sillage de la LPR (III) :

le RIPEC ou l’individualisation des rémunérations des enseignants-chercheurs et chercheurs

Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a présenté un projet de décret sur le « RIPEC », ou régime indemnitaire des enseignants-chercheurs et des chercheurs. Il vise à opérer une refonte totale de la rémunération de ces derniers.

Sur ce texte très important, qui est comme beaucoup d’autres un texte d’accompagnement de la LPR, le Ministère avait refusé d’ouvrir toute négociation avec les organisations syndicales. Il avait même refusé toute présentation du texte en amont du comité technique ministériel. Cette attitude est en droite ligne de la position qu’il a adoptée suite à la décision du Conseil d’État le contraignant à convoquer, pour échanger à propos du « protocole d’accord sur les carrières et les rémunérations » toutes les organisations syndicales, y compris celles qui n’avaient pas signé ce protocole. Plutôt que de se conformer à cette décision de justice, le Ministère a décidé de ne plus tenir de réunion à propos du protocole… Bien loin du « dialogue social » publiquement proclamé, le Ministère préfère choisir ses interlocuteurs, voire ne pas en avoir du tout.

Concernant l’absence de négociation sur le RIPEC, la protestation unanime des syndicats l’a cependant contraint à concéder une réunion de présentation le 3 juin et à reporter le CT d’examen du texte au 10 juin. Dans une déclaration commune1 FO ESR, FERC CGT et Solidaires ont signifié lors de ce CT leur opposition au texte et leur demande d’abandon du RIPEC.

La mise en place du RIPEC entraînerait la disparition de la quasi-totalité des primes et indemnités des enseignants-chercheurs et chercheurs.

Il s’agit d’un régime destiné à instaurer de profondes inégalités dans la rémunération des enseignants-chercheurs et chercheurs en individualisant leur régime indemnitaire ; il est en ceci tout à fait comparable au RIFSEEP institué, avant même la LPR, pour les BIATSS et ITA, et que nous continuons à combattre. Bien loin de constituer une revalorisation de la rémunération des enseignants-chercheurs et chercheurs, il continue donc une politique RH ministérielle qui vise à individualiser toutes les carrières et les rémunérations.

En outre les cas d’indemnités et primes élevées, qui seront rarissimes, permettraient au Ministère de présenter des simulations avantageuses en cas de mise en œuvre d’un système de retraites « universel » qui supprimerait le Code des pensions. Ce projet a été récemment réactivé et, avec la confédération FO, FO ESR continuera de se battre pour en obtenir l’abandon définitif, quelle que soit sa forme.

La part de base : un socle qui ne compense même pas les pertes sur le traitement indiciaire

Comme le RIFSEEP, le RIPEC instaurerait une part de base, une part variable, un hypothétique complément individuel.

La seule part dont le versement est réellement garanti au niveau national serait la part de base (dite « indemnité liée au grade »).

La part « variable » : l’indemnité « à la tête de la fonction »

En supplément à cette part de base, l’attribution de la part variable de l’indemnitaire, liée à l’exercice de « certaines fonctions et responsabilités particulières », serait en grande partie laissée à l’appréciation du chef d’établissement, ce qui n’est pas le cas des actuelles PCA ou PRP. Elle serait assujettie aux « lignes directrices de gestion » nationales mais aussi locales. Elle serait de fait très dépendante des moyens des établissements et n’est assortie d’aucune garantie de fixation d’un montant plancher défini au niveau national. Elle serait donc éminemment variable d’un enseignant-chercheur ou chercheur à l’autre, selon que les « certaines fonctions » qu’il exercerait feraient ou non partie de celles déclenchant le versement de cette part variable. Elle serait éminemment variable aussi d’un établissement à l’autre, ceci pour des fonctions strictement identiques, selon les dotations dont disposeraient les établissements pour la financer. Enfin sa mise en place planifierait très certainement l’assèchement des dotations dévolues au référentiel des activités des enseignants-chercheurs, puisque, comme ce dernier, elle est destinée à rémunérer des activités « en sus de leurs obligations de service » (le ministère a d’ailleurs annoncé en parallèle un « chantier » à propos du référentiel).

La prime individuelle : le faux-nez du « suivi de carrière »

À ces deux parts indemnitaires viendrait enfin s’ajouter une hypothétique prime complémentaire, liée à « la qualité [des] activités scientifiques et académiques et de [l’] engagement professionnel » des collègues. L’allocation de cette prime, qui remplace la PEDR, sera là encore fortement dépendante des disponibilités budgétaires des établissements. La procédure d’attribution de cette prime apparaît surtout comme l’occasion de réactiver un « suivi de carrière » auquel la très grande majorité des enseignants-chercheurs se sont opposés avec leurs sections du CNU et au sujet duquel nous ne pouvons que réitérer notre demande d’abandon. Cette procédure marginalise de plus le rôle du CNU en ne reconnaissant qu’un rôle consultatif aux avis qu’il aurait à remettre aux établissements. Dans le sillage de la fort heureusement défunte « prime d’excellence scientifique », la reconnaissance pécuniaire de la « qualité » ou de l’« engagement » dépendra donc pour l’essentiel des jeux de pouvoirs internes aux établissements. De surcroît la possibilité de convertir cette prime en CRCT ou CPP instillerait au sein de la fonction publique une curieuse relation marchande entre un établissement et l’un de ses agents qui pourrait ainsi s’acheter son CRCT ou son CPP.

Et ce n’est pas la mise en place de « lignes directrices de gestion », par établissement ni même nationales, qui pourrait nous rassurer sur le cadrage du RIPEC, puisque les « LDG » sont destinées à évacuer toute garantie réglementaire.

Faux-semblant de revalorisation, facteur d’inégalité des rémunérations, vecteur de concurrence entre personnels, le RIPEC est, comme le RIFSEEP chez les BIATSS et ITA, une attaque directe contre les personnels de l’ESR et une menace pour l’indépendance des enseignants-chercheurs et des chercheurs.

FO ESR revendique :

  • abandon du RIPEC ;
  • maintien des primes de recherche et d’enseignement supérieur pour les enseignants-chercheurs, de recherche pour les chercheurs ;
  • maintien des PRP et PCA ;
  • maintien des dotations prévues dans le référentiel national des tâches, avec harmonisation nationale par le haut ;
  • une vraie revalorisation, pour les enseignants-chercheurs et chercheurs comme pour tous les fonctionnaires : rattrapage du point d’indice (- 20 % depuis 2010).

Montreuil, le 11 juin 2021


https://foesr.fr/foesr/communiques/links/2021-06-10_Declaration-CTMESR_FO-FercSup-Sud_Non-au-RIPEC.pdf