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FO ESR


Le CNRS et les statuts de ses personnels sont-ils solubles dans les COMUE ?

Chaque année, la rentrée s’accompagne de mesures gouvernementales remettant en cause les acquis et droits des salariés. Mais cette année, après les lois de déréglementation et de territorialisation (Macron, NOTRe, Rebsamen) c’est un véritable basculement qui est à l’ordre du jour :

  • "réforme du collège" : comme à l’université avec la « nouvelle licence », il s’agit d’amputer l’enseignement disciplinaire et de développer l’inégalité dans l’« autonomie » : avec onze syndicats du second degré, les syndicats FO du supérieur ont appelé à la manifestation nationale du 10 octobre à Paris pour son abrogation.
  • réforme” du Code du travail : comme avec l’autonomie des universités et les lois LRU, il s’agit, entre autres, d’inverser la hiérarchie des normes, faisant prévaloir les dérogations locales sur les principes généraux ;
  • projet d’accord sur les carrières et les rémunérations : FO ne signe pas car le projet menace nos statuts, entérine le blocage du point d’indice jusqu’en 2017 et allonge les durées d’échelon pour … tenir compte de l’allongement des carrières ! Face au refus de la majorité des syndicats (FO, CGT, SUD) de la FP, le premier ministre décide de passer en force.

Dans l’ESR, ceci se traduit par un ensemble cohérent de mesures visant à détruire les droits et garanties des personnels et leurs statuts sur lesquels sont fondées la recherche publique et l’Université:

  • alors que FO exige +8% sur le point d’indice et 50 points pour tous, le blocage des salaires est maintenu.
  • le nouveau régime de primes RIFSEEP (application au 1er janvier 2017 aux ITA des EPST) entérine les sous-classements et lie la prime au poste occupé et non plus au grade: c’est une attaque majeure contre le statut et la fonction publique de carrière, vers une fonction publique d'emploi.
  • les politiques de site (COMUE ou fusion) vont se traduire par des modifications importantes dans les formations, des mutualisations, des services et des unités de recherche déplacés ou démantelés.
  • cette transformation des organismes nationaux de recherche en supplétifs des politiques locales est un volet de la stratégie de spécialisation intelligente des Régions (3S, pour Smart Specialization Strategy) voulue par l’Union européenne au nom de la compétition économique et au détriment de la liberté de recherche.

« Le CNRS n’a pas pour mission de structurer la recherche française » : cette affirmation du ministre de la recherche (François Goulard) en 2005 est le fil conducteur de la loi d’orientation et de programmation de la recherche (2006), de la loi LRU (2007) et de la loi LRU2 de Geneviève Fioraso (2012). La recherche publique devrait servir avant tout à la « compétitivité des entreprises », en la reconfigurant sur des objectifs « stratégiques » à court terme et en l’articulant autour de pôles régionaux. Cette logique que Nicolas Sarkozy appelait "faire évoluer les organismes de recherche vers des agences de moyens" n’a pas été remise en cause depuis 2005.

Bien au contraire, l’intégration du CNRS dans les COMUE vise à mettre fin à son organisation nationale et aux statuts nationaux de ses personnels.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) et l’Agence d’évaluation de la recherche (AERES puis HCERES) restent les bras armés de cette politique dirigée contre la liberté de recherche et l’évaluation par les pairs de la discipline, en majorité élus, au sein du Comité National de la Recherche Scientifique.

Pour FO, il est plus qu’urgent de transférer les crédits de l’ANR aux EPST pour le soutien récurrent aux laboratoires ! Cette politique, à la fois stérilisante et déstructurante, de "recherches sur projet" ou sur "bon de commande" aligné sur les effets de mode et les programmes européens, est imposée par le niveau ridiculement faible du soutien récurrent. Elle se trouve aggravée par l’austérité renforcée du "Pacte de responsabilité" gouvernemental (nouveau cadeau au MEDEF financé par 50 Mds € de coupes dans les services publics et de santé, s’ajoutant au Crédit pour l’Investissement, la compétitivité et l’emploi et aux 6 Mds € du Crédit d’Impôt Recherche) …  ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés en haut lieu, comme le révèle la démission récente du président du comité ANR "Physique sub-atomique, Sciences de l'Univers, Structure et histoire de la Terre". La coupe de l’austérité est pleine !

De plus en plus de chercheurs découvrent en cette rentrée que le dispositif des COMUE, avec des directeurs de "départements de recherche" auto-proclamés en petit comité, les obligera localement à faire du lobbying … contre les collègues avec lesquels ils ont l’habitude de collaborer.

Ces immenses COMUE ne seront rien d’autre que de vastes champs d’affrontement et de concurrence entre barons locaux. Sans parler du mal-être au travail pour tous ceux (chercheurs et ITA) qui ne conçoivent pas la recherche comme une concurrence acharnée …  comme FO ne cesse de le répéter au sein des CHSCT.

La direction du CNRS est loin de défendre ses personnels et ses laboratoires : les syndicats FO sont intervenus à plusieurs reprises pour que le CNRS réaffirme sa tutelle sur des UMR menacées par les politiques locales.

Un obstacle majeur à cette dissolution du CNRS et des autres EPST dans les COMUE reste le statut national des ITA et le statut de chercheur à temps plein.

Concernant les chercheurs, un vice-président de la Conférence des Présidents d’université (futur directeur de cabinet de Geneviève Fioraso) annonçait dès 2008: "Pour ce qui concerne le besoin de recruter des chercheurs à temps plein, il ne durera qu’aussi longtemps que les universités ne pourront pas convertir un enseignant-chercheur en chercheur à temps plein". Et dans la "feuille de route" à la présidente du CNRS (février 2008), Valérie Pécresse exigeait que: "Dans le cadre de PROCEDURES COMMUNES", sera recrutée une "certaine proportion d’enseignants-chercheurs de haut niveau qui consacreront l’essentiel de leur activité à la recherche". Cette disposition est cohérente avec le rapport Attali, dénoncé par la confédération FO, qui préconise une titularisation des chercheurs vers 40 ans. 

Plusieurs tentatives de rapprochement des statuts de chercheur et d’enseignant-chercheur n’ont pas pu aller jusqu’au bout. La Prime d’excellence scientifique, allouée aux chercheurs sous conditions d’enseignement, doit être abandonnée ; elle est tellement honnie que la liste des bénéficiaires reste secrète. Pour les enseignants-chercheurs, la possibilité de modulation de leur service d’enseignement, combattue par les syndicats FO, a été instaurée mais reste volontaire.

Concernant les ITA, une gestion concertée des personnels d’appui à la recherche au sein des unités (incluant ITA du CNRS et ITRF de l’Université) a été préparée par la commission Schwartz, chargée en 2008 du "chantier dédié aux personnels" du Supérieur. Force Ouvrière refuse toute fusion ou la création d’un corps interministériel visant à amplifier les redéploiements et la mutualisation. Les ITA des EPST comme les ITRF doivent rester fonctionnaires d’Etat sous la responsabilité de leurs employeurs.

Ce chantier de destruction de nos statuts, différé depuis 2008, est remis à l’ordre du jour par le président du CNRS (13 mai 2015) qui déclare : « Il est de la responsabilité commune des dirigeants de l’ESR d’avancer plus vite sur les regroupements, notamment sur leur dimension RH » en ajoutant « Je ne crois pas que la question d’une stratégie RH commune soit si difficile que ça à aborder, il faut un peu de courage... Il s’agit de se mettre d’accord sur une stratégie de recrutement, puis de qui fait quoi dans le cadre réglementaire existant. Et d’échanger les bonnes pratiques ».

Traduction concrète: il est désormais question de transférer la politique de recrutement et à terme les affectations des personnels CNRS aux regroupements universitaires. Les demandes de postes des laboratoires à la Direction du CNRS devront être agréées par la COMUE qui les fléchera sur les Idex.

Il est donc indispensable de remettre en cause toutes les contre-réformes en cours et particulièrement la réforme Fioraso de 2013. Le CNRS créé en 1939 n’a plus sa place comme organisme national dans ce contexte de désengagement de l’Etat et de privatisation des services publics. C’est précisément ce que le ministre Macron vient d’affirmer : « Ce que nous avons construit après la seconde Guerre mondiale n’est plus adapté".

Ces attaques contre nos droits et nos statuts sont inacceptables, pour les fonctionnaires et les non-titulaires. Une mobilisation d’ensemble de tous les salariés est nécessaire pour leur donner un coup d’arrêt ….

Le SNPREES-FO et SupAutonome-FO estiment que seule l’action unie des personnels sera à même de préserver nos acquis et invitent les personnels à se réunir, en assemblée générale, en heure d’information syndicale, pour discuter de la situation, établir les revendications et décider des moyens de les faire aboutir.

Montreuil, le 12 octobre 2015