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« Temps d’échange » avec la Ministre du 9 avril 2024

La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, a convié les organisations syndicales de l’enseignement supérieur et de la recherche à un « temps d’échanges » ce mardi 9 avril. Aucun ordre du jour n’avait été envoyé.

La Ministre a abordé trois points :

- 1er point, « qui ne donne pas lieu à discussion » : la répartition des 904 millions d’euros de coupes budgétaires dans les missions de l’enseignement et de la recherche, dont 588 millions dans le budget propre de l’ESR ;
- 2e point : l’ « acte 2 de l’autonomie » ;
- 3e point : la réforme de la formation des enseignants (FDE) et des concours d’enseignement.

Concernant ce dernier point, elle n’a pas infirmé l’annonce d’une rémunération de 900 € en M1 et annoncé que les masters MEEF continueraient d’exister (dans le nouveau cadre des ENSP).
Pour le reste, elle a réitéré ce qu’elle-même, le président de la République, le Premier ministre ou la ministre de l’Éducation nationale ont pu dire à ces sujets.

Intervention FO ESR

Madame la Ministre,

FO ESR vous remercie de cette présentation mais elle ne peut que nous inquiéter.

Comme ceci a pu être dit avant, c’est en effet le budget qui cadre tout. Nous combattrions ces réductions budgétaires même si elles étaient prises au nom de considérations économiques. Mais là il n’y a aucune raison économique. Les motivations de cette « économie » de 10 milliards d’euros dans les services publics, dont presque un dixième dans le budget de l’ESR, sont purement politiques. Faut-il rappeler que le crédit impôt recherche, dont tout le monde sait ici qu’il n’a aucune utilité, représente à lui seul près de 7 milliards ? Faut-il rappeler que le président de la République vient de débloquer 3 milliards d’euros pour livrer armes et munitions à l’Ukraine, c’est-à-dire pour faire la guerre ? Que 413 milliards d’euros de dépenses militaires sont programmés pour les années qui viennent ? Ce dont on parle, c’est du choix politique du passage en économie de guerre. À FO, nous sommes pour la paix, nous militons contre la guerre, nous dénonçons donc ces coupes budgétaires dans les services publics, et, en ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche, FO ESR dénonce ces coupes qui maintiennent les services publics de l’ESR dans un état de délabrement durable et prononcé.

Concernant « l’acte 2 de l’autonomie », ce n’est rien d’autre que le démantèlement des organismes de recherche d’une part, la dislocation des universités d’autre part.

Démantèlement des organismes de recherche, avec le passage de leurs unités et des personnels de ces unités sous la coupe d’universités « chefs de file » dans le cadre d’une véritable régionalisation de la recherche, avec le risque fort qui pèse sur le statut de chercheur à temps plein, dont FO ESR revendique le maintien. Vous parlez de « simplification », on en est très loin et on s’en éloigne encore ! Allez en parler aux personnels du CNRS qui sont aux prises en ce moment avec les logiciels Etamine/Nautilus/Goelett, qui rendent toutes leurs missions bien plus complexes, qui alourdissent les charges et des chercheurs, dont ce n’est pas le travail, et des gestionnaires. Allez en parler à tous ceux qui s’échinent à répondre à des appels à projets, dont les soumissions demeurent chronophages, qui ensuite s’échinent dans des procédures tout aussi lourdes pour arriver à simplement utiliser les budgets qui leur ont éventuellement été alloués pour accomplir leurs missions !

Dislocation des universités, avec la mise en place d’établissements qui n’auront plus rien d’universitaires, puisqu’ils auraient leurs propres diplômes, seraient contraints de définir des frais d’inscription dérogatoires, disposeraient à leur gré de leur immobilier, pourraient même recourir à des emprunts. C’est la porte ouverte à des PSE, c’est-à-dire à des licenciements ! Ce ne seront plus des établissements publics, ce seront des entreprises ! Des entreprises qui ne seront même pas régies par le Code du travail, qui plus est. Vous direz peut-être qu’il restera des fonctionnaires et des statuts, mais en réalité ce qui est annoncé pour ceux-ci par votre collègue de la fonction publique laisse augurer qu’il n’en restera pas grand-chose, sauf peut-être des pseudo-statuts de fonctionnaires d’établissement, soumis à leur hiérarchie, y compris pour les enseignants-chercheurs. Et de toute façon ces établissements auront l’entièreté de la gestion RH de leurs personnels, recrutement et carrière compris, ce qui ne peut se faire qu’avec une contractualisation accrue des personnels. C’est l’aboutissement du désengagement de l’État, la fin programmée de la fonction publique dans l’ESR.

Vous nous parlez d’ « acte 2 de l’autonomie » mais les collègues sont déjà aux prises avec toutes les conséquences de l’ « acte 1 » et de ses suites, qui prennent entre autres les formes d’une dérégulation sans fin, de sous-dotations budgétaires pérennes, d’un irrespect affiché et assumé de toute réglementation nationale ou de toute représentation des personnels.

Comment croire que ceux-ci seraient respectés alors même que dans les établissements que vous avez ici présentés comme « volontaires », rien n’a été officiellement présenté aux personnels ou à leurs représentants quant à cet engagement dans l’ « acte 2 » ? 

Comment croire que les personnels seraient respectés alors même que, dans plusieurs universités, des EPE se mettent en place contre leur volonté, à Lyon 1, à Brest, à Saint-Etienne par exemple, et même sans que rien d’autre que des fiches de présentation, et non les projets de statuts de ces EPE, soient soumis aux CSA de ces établissements (comme c’est par ex. le cas à Saint-Etienne lors du CSA qui aura lieu lundi prochain) ?

Les dégradations issues de l’ « acte 1 », elles sont visibles par exemple en ce moment même à Aix-Marseille ou Montpellier, où les collègues font grève pour maintenir leurs diplômes ou leurs horaires de travail. Au vu des conditions qui règnent déjà actuellement à l’issue de l’ « acte 1 », comment tous ces collègues qui se battent pour maintenir leurs missions de service public, donc aussi leurs statuts et leurs salaires, pourraient accueillir avec satisfaction l’ « acte 2 » ?

Vous nous parlez d’« acte 2 de l’autonomie » mais c’est de tout autre chose dont veulent parler les personnels : c’est de dotations récurrentes, non d’appels à projets ou de « COMP » (contrats d’objectifs, de moyens et de performance), c’est de garanties horaires pour les diplômes nationaux qui ont fait leurs preuves, non d’improbables créations de formations en apprentissage qui seraient des gisements de « ressources propres », c’est de postes statutaires, non de « plafonds d’emplois ».

Ce dont veulent discuter les collègues en ce moment, c’est notamment de la réforme de la formation des enseignants et des concours. Si elle corrige quelques défauts de la désastreuse réforme Blanquer, la réforme projetée ne garantit pas une véritable formation rémunérée sous statut après la licence. Elle instaure l’inégalité devant le concours, elle constitue une attaque directe contre les licences disciplinaires, dont certaines sont condamnées à disparaître, en particulier dans les universités qui n’auront pas les moyens de les maintenir en parallèle des préparations aux concours ; elle crée des licences qui ne seront pas pluridisciplinaires mais pseudo-disciplinaires et seront donc des pseudo-licences, sans aucune issue pour ceux qui échoueront au concours de PE ; elle va entraîner des fermetures de préparations aux CAPES dans toutes les universités qui n’auront pas les moyens de mettre en place les « modules » nécessaires en licence, elle réduit encore plus la dimension disciplinaire des concours, enfin elle amorce des disparitions de services et de postes dans les formations actuelles de master, singulièrement dans les INSPÉ.

Certains collègues apprennent, de manière informelle, qu’ils devraient mettre en place des licences pseudo-disciplinaires pour le concours de PE, des modules supplémentaires pour les concours du Secondaire, ceci avant fin juin, pour la rentrée 2024 ! De qui se moque-t-on ?

L’urgence n’est pas au 49.3 sur les concours comme sur le reste, l’urgence est au report, et à l’ouverture de négociations sur les revendications !

Ce dont veulent aussi discuter les collègues, c’est de la situation des PRAG-PRCE. Nous rappelons leur demande de réalignement de leur prime statutaire sur la prime de base des enseignants-chercheurs, demande qui doit être examinée de manière prioritaire dans toute discussion. Et nous rappelons aussi que ces discussions ne doivent pas être l’occasion de déclencher des modifications statutaires.

Enfin, FO ESR dénonce le projet d’intégration de l’IPEV dans l’IFREMER, qui là aussi ne repose sur aucune cohérence scientifique et sans même que les personnels n’aient d’instance de représentation où s'exprimer. Nous vous remettons un courrier à ce sujet.