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E. Macron veut aller jusqu’au bout des réformes destructrices de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les annonces du Président Macron le 7 décembre 2023 sont claires : il s’agit de poursuivre, d’accélérer, toutes les réformes que nous subissons déjà, pour les mener à leur terme, dans un délai de 18 mois.

Le Président reconnaît que la recherche française recule comparée aux autres pays. Mais dans son discours, il défend les réformes, plans ou mesures successives de ces quinze dernières années et affirme : « il faut continuer de réformer ». Est-ce faire un vrai bilan de ces réformes, que de dire en substance que si elles ne marchent pas bien, c’est qu’on n’est pas allé jusqu’au bout de leur logique ?

Le Président dit qu’il veut combattre la bureaucratie, les « procédures administratives trop lourdes et chronophages ». Le coupable d’après le président : un partage des tâches entres les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur qui ferait défaut et aboutirait à un « morcellement désordonné ».

Les pertes de temps et d’énergie que subissent les scientifiques n’auraient donc aucun rapport avec les financements récurrents qui diminuent, avec la mise en place de l’ANR ou des Programmes d’Investissement d’Avenir et maintenant de France 2030 ?

Le Président de la République, qui dans son discours parle « d’une étrange défaite » concernant la recherche d’un vaccin, fait l’impasse sur le fait qu’en France, des recherches prometteuses sur les Coronavirus1 ont été interrompues par le système de la recherche sur projets.

Pour le Président, imperturbable, il faut de « vrais contrats d'objectifs de moyens et de performance avec des financements beaucoup plus incitatifs » pour les universités ! Ou toujours plus de financement comme les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).

Le Président s’inscrit complètement dans les conclusions du rapport de M. Gillet2 : il faut de « vraies agences de financement qui arrêtent de gérer directement les personnels ». Voila donc l’objectif de la transformation des organismes de recherche en agences de programmes.

Cette transformation est étroitement liée à « l’acte 2 » de l’autonomie des universités voulu par le Président : « cheffes de file pour organiser et gérer la recherche scientifique de leur territoire », les universités seraient ainsi chargées de « gérer la ressource humaine », y compris les personnels des organismes de recherche.

L’acte 1 de l’autonomie des universités est déjà responsable d’un éclatement des droits, université par université, de perte d’emplois statutaires, et source de dégradations considérables des conditions de travail des personnels.

Avec l’acte 2, il s’agit, au nom de la soi disant « simplification de gestion », notamment avec des délégations de gestion, d’aller beaucoup plus loin dans la remise en cause des statuts des personnels, tant de la recherche que des universités. Le Président accuse les statuts d’être « des éléments de complexité » et parle même de « stupidité absolue » concernant le statut de chercheur à temps plein. Le rapport du Hcéres sur le CNRS va dans le même sens en préconisant une contribution de chaque UMR à un certain nombre d’heures d’enseignement, incluant les chercheurs et ingénieurs du CNRS, allant même jusqu’à écrire concernant le maximum de 64h ETD « 64 heures ne devraient pas être une limite uniforme imposée par le CNRS » !

Dans cet acte 2, il n’est nullement question d’embaucher les dizaines de milliers d’enseignants-chercheurs nécessaires pour faire face aux besoins en enseignement. Leur soi disant solution, c’est à terme la globalisation des obligations de service, au niveau des UMR, ou autre niveau dans le cadre des politiques de site, pour tous les personnels, quel que soit leur statut, bref faire exploser les protections statutaires.

Dans la vision du Président, pour aller jusqu’au bout de l’autonomie, le ministère doit abandonner les contrôles (pour faire respecter les textes réglementaires il ne resterait que le tribunal administratif !), pour se concentrer sur la stratégie et le pilotage. Les organismes de recherche quant à eux, n’auraient comme fonction essentielle que celle de gérer les programmes nationaux dont chacun a la charge en étant « stratège dans son domaine et participer à la définition de thématiques de recherche prioritaires ».

Dans cette optique, la liberté de recherche doit disparaître. L’évaluation est en train de devenir quasi exclusivement une évaluation par des experts nommés tandis que les instances composées de pairs majoritairement élus sont marginalisées et mises sous tutelle du Hcéres. C’est la fin de la collégialité.

Le Président, adepte de la différenciation pour concentrer les moyens sur « les meilleurs », annonce l’utilisation de cette évaluation pour financer les équipes qui ont une bonne évaluation, donc des équipes avec des thématiques conformes aux priorités définies par le gouvernement, tandis qu’il prône un effet couperet pour une équipe qui « a une mauvaise évaluation » : il faudrait qu’on « accepte de la fermer » !

Le Président nous promet donc un approfondissement de la concurrence de tous contre tous. On est en plein dans l’idéologie défendue par Antoine Petit, PDG du CNRS, en novembre 2019, lorsqu’il disait, à propos de la future loi LPR « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne », absurdité que de nombreux scientifiques ont dénoncé.

Enfin, la création du Conseil présidentiel de la science, qui ne rendra des comptes qu’au Président, est cohérente avec toutes ces annonces.

FO ESR s’oppose à toutes ces annonces, demande qu’elles soient abandonnées et revendique au contraire qu’on abroge les lois LRU de 2007, ESR de 2013, ORE de 2018 et LPR de 2020.

FO ESR est disponible pour organiser, avec les organisations syndicales qui le souhaitent, la mobilisation des personnels contre ces attaques, pour la défense d’un service public d’enseignement supérieur et de recherche avec des moyens pérennes, des postes de titulaires, pour la défense des statuts des personnels, pour la liberté de recherche et le retour à une évaluation collégiale.

Montreuil, le 21 décembre 2023