Port du voile à l’université : une polémique anti-laïque vieille d’une décennie !
Le 6 janvier le ministre de l’intérieur du gouvernement Bayrou, Bruno Retailleau, en réponse à une question de journalistes, a déclaré être « favorable » à l'interdiction du voile à l'université. Cette réponse prend place dans une longue interview, tout entière consacrée à la menace du terrorisme islamiste, dans laquelle il déclare également : « Le voile n'est pas qu'un simple bout de tissu : c'est un étendard pour l'islamisme ». Il s’agit donc de faire un procès d’intention aux relents racistes à toutes les femmes de religion musulmane qui portent le voile.
Ceci rejoint la position prise en 2016 par celui qui était alors Premier ministre, Manuel Valls, faisant suite à des polémiques qui avaient agité tout le monde universitaire en 2015. Comme Bruno Retailleau, Manuel Valls est aujourd’hui membre d’un gouvernement Bayrou qui est le dernier rempart érigé par Macron pour tenter d’endiguer les revendications des salariés et de toute la population, en tout premier lieu celle d’abrogation de la réforme des retraites.
Les propos de B. Retailleau participent donc d’une stratégie éculée de diversion aux dépens d’une partie de la population française, dénoncée en raison de ses croyances religieuses et constituent une atteinte grave à la laïcité.
C’est pourquoi FO ESR estime nécessaire de porter à nouveau à la connaissance de toutes et tous la « motion laïque » votée par le CNESER du 18 mai 2015, à l’initiative de la CPU (conférence des présidents d’universités, ancêtre de France Universités), motion qui s’avère toujours d’une grande actualité :
« Motion laïque » du CNESER du 18 mai 2015 Le CNESER entend rappeler solennellement son attachement à la loi de 1905 et au respect du principe de laïcité dans les établissements d'enseignement et de recherche affirmé par le code de l'éducation. L'article L 141.6 du code de l'éducation dispose que « Le service public de l'enseignement supérieur et de la recherche est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou politique ; il tend à l'objectivité du savoir et respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique. » La loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 est une loi de tolérance et de liberté qui garantit la liberté de conscience et permet à tout citoyen l'expression de sa foi ou le droit de ne pas en avoir ; elle protège les affaires publiques de toute emprise des institutions religieuses et doit être inscrite dans une perspective historique et juridique large. Le législateur interdit par ailleurs, dans l'enceinte scolaire, le port de tout signe religieux de quelque confession que ce soit ; le principe de neutralité s'impose à l'accueil d'enfants ou d'adolescents. Il ne vise délibérément pas l'Université qui depuis le Moyen Âge accueille des adultes, universitaires, chercheurs et étudiants ou étudiantes de toutes origines ou opinions philosophiques, religieuses ou politiques. L'Université obéit aux lois de la République ; elle ne saurait être soumise aux mêmes règles que celles qui s'appliquent aux enseignements publics primaire et secondaire, sauf à déroger à ses propres franchises qui fondent son universalité. D'après la jurisprudence (Conseil d'État et Cour européenne des Droits de l'Homme) et contrairement à l'ensemble des agents du service public, l'interdiction du port du voile ou tout autre signe religieux visible par des étudiant.e.s à l'Université n'a pas de base légale (à l'exception de cas concernant la sécurité ou l'hygiène). Y voir une menace contre l'institution universitaire relève d'une défiance à l'encontre des universitaires qui seraient jugés inaptes à former des esprits libres et à ouvrir de nouveaux champs de connaissances. C'est aussi mépriser les étudiantes et les étudiants en les tenant pour incapables d'exercer leur esprit critique et de prendre distance avec leurs croyances. Accueillant des étudiants de nombreux pays, l'Université ne souhaite pas renoncer à toute ouverture internationale profondément ancrée dans la tradition universitaire. La vraie menace est ailleurs. Elle réside dans le risque d'intrusion des religions et d'idéologies diverses dans la science, le contenu des enseignements ou des champs de recherche, au mépris de la liberté de chaque enseignant d'exprimer sa pensée et de la liberté des étudiantes et étudiants inscrits d'assister aux enseignements dispensés, et en violation des franchises universitaires. C'est en permettant à tous les citoyens français comme aux ressortissants étrangers d'exercer, dans le respect de chacun, librement leur foi ou de ne pas en avoir, que l'Université pourra continuer d'œuvrer à la modernité de la société française et de promouvoir les valeurs humanistes à l'international. Texte adopté à 37 voix, 3 abstentions, un refus de prendre part au vote. |
Lors de cette séance du 18 mai 2015, les représentants FO avaient voté pour cette motion et avaient de plus fait une déclaration explicative de leur vote, que vous pourrez retrouver ici.