Dans le sillage de la LPR (chap. 2)
Accès au corps des professeurs :
de nouvelles attaques contre le CNU, l’HDR, l’agrégation !
La LPR disposait dès sa première rédaction que les « professeurs juniors » en contrat sur les « chaires » à eux destinées par les établissements pourront être recrutés dans le corps des professeurs sans qualification ni HDR.
On s’en souvient, c’est un amendement sénatorial qui a introduit la suppression de la qualification par les sections du CNU pour accéder aux postes de professeurs des universités. Mais le Ministère apporte toute sa caution à cette disposition, comme le montre le projet de décret d’application qu’il a présenté aux organisations syndicales. Faute de pouvoir faire disparaître le terme de qualification de toutes ses occurrences législatives et réglementaires, le décret en vient à désigner les MCF titulaires comme étant « réputés qualifiés » !
De surcroît, le décret d’application est l’occasion d’introduire de nouvelles dispositions amputant les droits statutaires des universitaires et des chercheurs :
- Une dispense de qualification est accordée aux fonctionnaires détachés dans le corps des professeurs qui souhaiteraient intégrer ce corps ; même si cette disposition n’aurait de conséquences que très limitées, elle est illustrative du peu de cas que fait le Ministère de la nécessité du contrôle par les pairs, aussi bien en matière d’enseignement que de recherche. Sans doctorat, sans HDR, sans qualification, sans aucun contrôle d’une instance composée de professeurs, on pourra ainsi accéder au corps des professeurs d’université !
- La responsabilité d’accorder une dispense de l’HDR, jusque-là de la seule compétence du CNU, est purement et simplement transférée au conseil académique restreint de chaque établissement ! Le rapport statuant sur la demande de dispense sera rédigé par deux professeurs, dont un seulement externe à l’établissement du demandeur ! C’est la porte ouverte à tous les clientélismes d’établissement, à toutes les pressions des présidences appuyant la promotion de leurs obligés ; c’est une mise en cause inacceptable du contrôle collectif par les pairs, indépendant des établissements, exercé dans les sections disciplinaires du CNU !
- L’agrégation d’économie (section 5 du CNU) est purement et simplement supprimée ! Selon le ministère, cette disparition serait faite en concertation avec les spécialistes des disciplines de la 5e section du CNU. Comme l’a montré FO ESR en séance, cet « accord » n’existe pas, puisque la présidente de la 5e section dit elle-même n’avoir été aucunement informée d’une telle suppression !
- Pour les sections 4 (sciences politiques) et 6 (sciences de gestion), la procédure permettant de déroger à l’égalité entre le nombre total de postes mis aux concours de l’agrégation et les postes ouverts par ailleurs, d’« expérimentale » qu’elle était lors de son introduction en 2014 à la suite de la loi ESR/Fioraso, devient permanente.
Les droits des disciplines des sections 1 à 3 préservés par le rapport de force !
En revanche cette procédure, qui concernait aussi les disciplines juridiques des sections 1, 2 et 3, n’est pas maintenues pour ces sections. Elles sont arrivées en effet à obtenir que soit maintenue la proportion de postes réservés au concours national de l’agrégation (la moitié). De même, ces disciplines peuvent maintenir à titre dérogatoire leurs procédures de recrutement qui prévoient une qualification par le CNU jusqu’en 2024.
La DGRH du Ministère regrette amèrement cette situation qui, de son aveu même, est le résultat du « rapport de force » que les juristes ont réussi à imposer !
FO ESR se félicite au contraire que les demandes des collègues de ces disciplines, exprimées via leurs sections du CNU et qu’il a pleinement soutenues, aient été entendues, et demande d’ores-et-déjà que les recrutements avec qualification par le CNU soient maintenus dans ces disciplines au-delà de 2024.
Ce qui reste regrettable, c’est que toutes les demandes de toutes les sections du CNU n’aient pas été entendues !
Il est vrai que ceci aurait impliqué le retrait de la mesure de suppression de la qualification et l’abandon de la LPR…
Car c’est bien contre les collègues de toutes les disciplines que toutes ces mesures sont prises, en application et au nom de la LPR. C’est au nom de la LPR que le jugement par les pairs, le contrôle de la qualification par une instance nationale statuant en toute indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs, y compris ceux des présidences ou directions d’établissements, que sont prises toutes ces mesures d’ « application » de la LPR.
C’est pourquoi FO ESR revendique :
- le retrait de ce projets de décret pris en application de la LPR ;
- l’abrogation de la LPR ;
- la restitution aux sections disciplinaires du CNU de l’appréciation des demandes de dispense d’HDR ;
- le retour à une procédure nationale de qualification par les sections disciplinaires du CNU, garante de l’indépendance et du statut national des enseignants-chercheurs ;
- le maintien de recrutements de professeurs par le concours national de l’agrégation, pour toutes les disciplines à agrégation qui le souhaitent et à la hauteur où elles le souhaitent.
Montreuil, le 4 mai 2021